Démocratie, finance et rigueur en Grèce
Panagiotis Pikrammenos est le nouveau premier ministre grec… jusqu’au 17 juin prochain. Son gouvernement, composé (comme le prévoit la constitution grecque) d’universitaires, d’économistes et d’anciens diplomates a prêté serment ce jeudi.
Gouvernement temporaire donc, chargé uniquement d’expédier les affaires courantes et de préparer les nouvelles élections législatives du 17 juin, rendues nécessaires par l’incapacité du parlement fraîchement élu à faire émerger un gouvernement de coalition.
Dans le New York Times, le « prix Nobel d’économie » Paul Krugman s’est réjoui de la « révolte » des peuples européens contre l’austérité (il faisait allusion aux élections helléniques et françaises). Si, de fait, le refus de la politique d’austérité imposée par l’Europe a gagné les élections en Grèce, il n’y a pas de quoi se réjouir. L’impressionnante montée des extrêmes, toute compréhensible qu’elle soit, est inquiétante. Gauche et droite confondues (c’est-à-dire du Parti Communiste aux néo-nazis d’Aube Dorée), les partis radicaux détiennent 44% des sièges au parlement.
Un résultat et un contexte qui ne sont pas sans rappeler les élections législatives allemandes de juillet 1932… Cette élection nous montre que la fragilité du système démocratique face aux crises est toujours d’actualité.
Bien entendu, il serait absurde de tomber dans le catastrophisme facile: la Grèce ne va pas sombrer dans la dictature, Aube Dorée n’a après tout recueilli « que » 7% des sièges, la coalition de la gauche radicale (donnée favorite dans les sondages pour le 17 juin) n’est pas révolutionnaire, et surtout la Grèce est intrinsèquement dépendante de l’Europe. La nécessité d’organiser de nouvelles élections n’est même pas particulièrement étonnante en soi: c’est le lot classique des régimes de démocratie parlementaire. Le problème, c’est la disharmonie entre le rythme démocratique, lent et tortueux, et le rythme économique et financier, rapide et sur-réactif.
Quel avenir pour la Grèce ? Quatre grands scénarios sont possibles, selon les résultats du 17 juin (coalition « anti-austérité » ou reconstitution de la coalition précédente, Pasok-Nouvelle Démocratie, favorable à la poursuite des plans d’austérité) et l’orientation de la politique européenne (austérité « pure » ou austérité-relance). Parmi ces quatre, un est « catastrophe » : la victoire d’une coalition anti-austérité en Grèce alliée à un durcissement de la position allemande en matière d’austérité. Un scénario de pur blocage. Un scénario finalement pas si improbable que cela.